La brève histoire du dossier médical personnel est illustrative du mauvais fonctionnement des pouvoirs publics et comme écrivait Alfred de MUSSET "lorsqu'on vient d'en rire il faudrait en pleurer". Pleurer pour les deniers publics ; rire pour cette farce politico-administrative où M. DOUSTE-BLAZY déclarait urbi et orbi en 2004 qu'en 2007 le dossier médical du patient serait généralisé à l'ensemble des français ! ...rien que ça ! ... Déjà à cette époque nous avions écrit notre scepticisme (cf J.-M. CLEMENT le dossier médical personnalisé : pourquoi faire simple BJPH Octobre 2004 n° 71 page 7).

Après le rapport FAGNIEZ sur le masquage des données de santé nous voici avec le nouveau rapport GAGNEUX du nom d'un IGAS qui s'est penché sur l'avenir de ce D.M.P. L'Ordre des Médecins, qui se singularise par son originalité, vient à son tour de demander la relance du D.M.P. comme si cet élément avait un quelconque rapport avec la déontologie médicale ! On serait tenté de penser le contraire tant le D.M.P. est un élément de coercition envers le patient puisque celui-ci devra s'identifier par ce dossier dont il n'aura pas la maîtrise, tout au plus pourra-t-il le consulter et demander la possibilité de rectifier les erreurs qu'il contiendrait. De fait ce D.M.P. comme le soulignait un de ses ardents promoteur, Philippe DOUSTE-BLAZY, a pour but de contrôler la communauté médicale des patients sous couvert de mieux connaître leur histoire médicale. Si on voulait que ce dossier appartienne au patient on aurait agi comme pour les cartes bancaires en laissant à chacun le droit de posséder cette carte sanitaire dont il aurait l'entière maîtrise en choisissant son hébergeur et en contrôlant les informations contenues. On en est loin avec le D.M.P. y compris à la sauce GAGNEUX, car cet éminent fonctionnaire de la santé milite "pour un dossier patient virtuel et partagé et une stratégie nationale des systèmes d'information de santé". Nos responsables ministériels et autres caciques veulent à tout prix que chaque individu adhère à un système parfaitement rationnel. Ils veulent contre toute évidence que la santé de chacun soit la santé publique : ce qui est une erreur liberticide. Quant aux économies, qu'ils font mine d'attendre de ce système, on peut sans risque prédire qu'elles ne seront pas au rendez-vous et pire ce seront des dépenses inconsidérées qui seront engagées pour faire fonctionner cette "usine à gaz" ; même les anglais viennent de suspendre leur plan informatique qui devait régenter les informations médicales de leur système national de santé, c'est dire que le coût de cette élucubration technocratique dépasse les moyens du budget britannique. Il dépassera c'est certain celui des français, mais les sommes engagées et le temps passé seront irrémédiablement perdus.

Il faut revenir à une expression beaucoup plus simple du dossier médical personnalisé qui de droit appartient au patient si c'est le patient qui l'alimente ou à l'offreur de soins si c'est ce dernier qui le promeut. Chacun aura à cœur de payer ce que coute ce dossier afin de mieux servir son avenir sanitaire pour le patient ou les soins de qualité qu'ils prodiguent pour le médecin ou l'établissement hospitalier. Hors de cette équation au demeurant fort simple, tout le reste ne sera que des dépenses inconsidérées.

Jean-Marie CLEMENT