Telle est la question que posent trois auteurs d'une tribune libre (Le Monde 7 Juin 2008) dont deux sont médecins généralistes. Alors que les pouvoirs publics ne cessent de proclamer le caractère indispensable du médecin généraliste, tout est fait pour gratifier les médecins spécialistes. Les étudiants ne s'y trompent pas puisque malgré la promotion de la médecine généraliste au rang de l'internat, cette spécialité n'est pas choisie par la majorité des carabins. Selon les auteurs de cet article de presse, s'il y avait 55.000 généralistes en activité en 2006, il n'y en aura plus que 25.000 en 2020 !..

Que faire ? les auteurs dont Jean de Kervasdoué qui fut un haut fonctionnaire au Ministère de la Santé au début des années 1980, propose de relever les rémunérations des généralistes en abondant les honoraires par des forfaits annuels venant en contrepartie des tâches administratives et du temps consacré à la prévention, à l'administration de la santé ou au suivi des malades qui exigent plus du quart d'heure habituel qui rythme normalement la visite médicale. Cela aurait entre autre pour avantage escompté pour les rédacteurs de l'article, une diminution des prescriptions médicamenteuses. Bref, ce sont des généralistes que vient la solution aux maux de la surconsommation médicamenteuse qui frappe le système médical français. Pourquoi pas ? Mais est-ce bien là la bonne question !

Quelle est la raison de cette extinction progressive de la fonction de médecin généraliste ? Beaucoup diront que c'est la cause du numerus clausus qui depuis 1973-1974 exige aux jeunes étudiants en médecine de passer un concours à la fin de la première année, réduisant de 8500 dans les années 1970 à 3500 fin des années 1990, le nombre de futurs médecins par an. On savait dès cette époque que globalement il y aurait un déficit par rapport au nombre existant de médecins en 2000 et que cela irait crescendo les années suivantes. Mais c'était voulu par la Ministre de l'époque, Madame Simone VEIL, qui avec ses collaborateurs pensait que moins il y aurait de médecins, moins il y aurait de malades et dont moins il y aurait de dépenses de Sécurité Sociale!. Le raisonnement était ainsi, même s'il paraît affligeant. Il suffit de lire le livre du Directeur Général de la Santé de l'époque, le Professeur de Médecine Jean Charles SOURNIA qui s'intitulait "ces malades que l'on fabrique" ? La plupart pensent avec justesse que la spécialisation médicale pour ne pas dire l'hyperspécialisation multiplie les médecins spécialistes au détriment des généralistes, d'autant que les spécialistes sont mieux rémunérés à l'acte que leurs confrères de médecine générale. Enfin, d'autres ratiocinent sur la féminisation du corps médical, plus de 50% des nouvelles générations sont des femmes, pour mettre sur le compte d'un emploi à temps partiel ou d'une pratique médicale plus orientée vers des horaires fixes (médecin du travail, médecin gynécologue, et autres..) pour expliquer le rejet de l'omnipratique en cabinet libéral de banlieue ou en ruralité !

Si toutes ces raisons semblent satisfaisantes et congruent manifestement à une désertification des cabinets des médecins généralistes, il faut évidemment y remédier au plus vite en s'efforçant soit de combattre chacune de ces causes, soit de modifier le recrutement des omnipraticiens. Bien sûr, la suppression totale du numerus clausus semble évidente, mais ses effets se feront sentir dans dix ans au moins ! Alors il faut étudier des solutions complémentaires à la fin du numerus clausus. Tout d'abord peut-on revenir sur la spécialisation ? ; à terme peut-être, mais dans presque une décennie lorsque chacun aura compris que l'on confond l'emploi de super technicien avec celui de médecin. Pour l'heure, il faut s'efforcer de trouver une autre parade qui puisse être comprise et en conséquence consentie par tout le monde. Avant de s'installer comme spécialiste, il serait alors nécessaire que les jeunes médecins à la fin de leur internat d'omnipratique fassent cinq ou dix ans d'exercice libéral généraliste et que parallèlement ils puissent consacrer, s'ils le désirent, une part de leur temps à une spécialisation qu'ils pourront par la suite d'autant mieux pratiquer qu'ils auront connu les difficultés du terrain. Une partie de ces jeunes médecins, le tiers, la moitié peut-être refusant les études complémentaires en supplément de leur omnipratique, resteront généralistes alors que le restant se spécialisera, mais pendant cinq à dix ans, ce seront 100% des internes qui seront installés chez des généralistes, au moins pour la moitié ou les deux tiers de leur temps ; le restant étant répétons nous consacré à l'hôpital pour être spécialiste. En définitive, la solution est de naître généraliste et de devenir par la suite spécialiste.

J.-M. CLEMENT