Voici le titre d'un article publié par un collectif d'hospitaliers parisiens qui, pour être explicite, mérite quelques explications. Ne pas vouloir être une entreprise tel est le programme et on peut comprendre les inquiétudes des auteurs, cependant il sous-tend quelques ambiguïtés. L'entreprise n'est pas un "gros mot" et il serait fallacieux de refuser aux hôpitaux d'être gérés comme une entreprise, c'est-à-dire bien conduit par une autorité responsable. Derrière le qualificatif entreprise se cache soit un mépris de ce qui fait la richesse économique, soit une volonté de refuser le directeur responsable. Si c'est le cas les auteurs devront éclairer notre lanterne pour que leurs arguments soient plus pertinents. L'entreprise peut être au service d'un but d'intérêt général et ce n'est pas parce que depuis deux siècles le modèle français du service public fait tenir ce rôle à des administrations que celà est bien. Il semble même que ce soit le contraire qui s'impose lorsque nous nous comparons avec les pays européens. L'exemple de l'établissement français des greffes (devenu depuis l'agence de biomédecine) dont la gestion pourrait être comparée à l'association Euro Transplant dans les années 1990-2000 devrait nous rendre sinon modestes du moins prudents dans notre volonté de sauver le paradigme administrativo-étatique français.

Par contre, les auteurs ont raison de rejeter l'identification de l'hôpital à l'entreprise à but lucratif et c'est là que la précision aurait dû être apportée pour ne pas se tromper d'adversaires !. L'hôpital depuis une vingtaine d'années se dessaisit de sa mission de service public -cf les rappels à l'ordre de l'AP-HP par le Ministre chargé de la Santé pour sa défaillance à recevoir les déshérités qui ne sont pas pris en charge y compris par l'Etat- (cf Mme VEIL en 1994 à la suite d'une inspection IGAS-IGF sur les créances irrécouvrables de l'AP-HP).

Là on pourrait rappeler que nous ne cessons de dénoncer cette idée d'une navrante pauvreté conceptuelle qui veut que l'économie de la santé et donc l'économie hospitalière soit comparable à l'économie industrielle (cf JM CLEMENT - Contributions pour une vraie réforme hospitalière LEH éditions 2008). Non, l'économie hospitalière n'est pas comparable à l'économie industrielle et en conséquence il ne peut être exigé des médecins et autres agents du service public hospitalier des critères de rentabilité qui comme nous avons pu l'écrire aboutiraient inexorablement à un choix des patients (cf JM CLEMENT - Panorama critique des réformes hospitalières depuis 1789 - LEH Editions 2007) mais il faut tout de même être prudent car le rejet des critères de rentabilité ne doit pas servir à cacher des coûts abusifs dus souvent à des disfonctionnements dont une large part viennent du développement de la réunionnite qui justifie la prospérité de la classe des techno-bureaucrates administraifs mais aussi soignants et médicaux. Alors que chacun revienne à l'essentiel de sa mission et que le service public hospitalier reste au service de tous et surtout des déshérités c'est à dire de ceux qui habitent les grandes villes certes, mais aussi des banlieues et des territoires ruraux qui voient fermer le service de maternité, chirurgie et même de médecine. Quel progrès de vouloir empiler, concentrer les hôpitaux, c'est encore l'économie industrielle qui impose ses canons idéologiques de concentration au titre de la sécurité (ce qui reste à démontrer) et de l'économie (ce qui est faux).

J.M. CLEMENT