L'homme rapiécé, tel était le titre d'un livre publié voici quelques années. Au-delà de l'intérêt scientifique de ce livre, le titre nous invite à une réflexion plus profonde sur les objectifs poursuivis. Cela est d'autant plus d'actualité avec la venue d'un véritable coeur artificiel dont son concepteur, le Professeur CHARPENTIER, pense qu'il sera opérationnel d'ici cinq ans. Plus récemment un chirurgien de nos amis, s'insurgeait contre ses collègues d'un grand hôpital hospitalo-universitaire qui soignaient un organe en oubliant la part de gangrène qui se développait par ailleurs !...

Voici l'homme considéré comme un assemblage d'organes qui pourraient être remplacés. On en revient à l'homme machine de DESCARTES. Les études médicales donnent des spécialistes voire des hyperspécialistes qui souvent oublient le caractère global de l'individu qu'ils sont censés soigner.

Cela n'est pas nouveau sur le plan historique, il y eut des périodes où le médecin ne voulait pas voir l'homme dans sa globalité et pire dans sa culture pour mieux soigner ses maux.

Cela participe au renouveau du caractère virtuel de l'acte médical sous couvert des systèmes complexes de traitement de l'information et des moyens d'investigation par la biologie ou l'imagerie. L'homme n'est plus vu, senti, approché culturellement, il est disséqué avant d'être compris. Or soigner n'est-ce pas comprendre d'abord ?

Cela participe à cette idée néfaste qui veut que le médecin de proximité est : soit médiocre ou inutile ; on ne trouve plus de jeunes diplômés voulant être médecins généralistes de banlieux ou de territoires ruraux . Ne faudra-t-il pas les forcer à en être au début de leur carrière ?

Découvrir l'homme dans son milieu, c'est dire que l'homme est un ensemble dont il faut ausculter toutes les infractuosités, ce n'est pas un assemblage d'organes ou de tissus, a fortiori de cellules ou d'atomes.

Jean-Marie CLEMENT